Par Guy Millière
Je ne suis pas juif. Je suis
donc très mal placé pour prendre position dans le débat houleux qui vient
d’avoir lieu dans les communautés juives concernant les récentes décisions de
Binyamin Netanyahu en matière de prière au Kotel [mur des Lamentations] et en
matière de conversion. Binyamin Netanyahu semble avoir renoncé à une décision
qui avait été prise et s’être rangé à la position des Juifs les plus orthodoxes.
Il a aussitôt été accusé d’opportunisme politique et d’avoir voulu sauver sa
majorité. Des dirigeants du courant juif reformé américain (en France,
l’expression employée est “judaïsme libéral”) américain se sont montrés
particulièrement virulents et ont menacé, paraît-il, Israël de représailles
financières.
Que Binyamin Netanyahu soit
revenu sur une décision prise peut paraitre déplaisant à ceux qui lui étaient
favorables, et c’est compréhensible. Qu’il se soit rangé aux positions des
Juifs les plus orthodoxes peut déplaire à d’autres Juifs, et c’est
compréhensible aussi. Si les conséquences étaient cataclysmiques, on pourrait
comprendre que le déplaisir provoqué fasse scandale et suscite des réactions
très vives. De nombreux avis plus autorisés que le mien, dont ceux de Caroline
Glick, pour qui j’ai une très vive estime, et du rabbin Shmuley Boteach, que je
tiens depuis longtemps pour un homme de grande qualité, m’indiquent que les
conséquences ne sont pas du tout désastreuses. Un lieu de prière mixte existe
déjà au Kotel, et il continuera à exister. Les conversions resteront difficiles
et des Juifs considérés comme Juifs par le courant juif réformé ne seront vraisemblablement
pas considérés comme juifs en Israël (sauf s’ils se convertissent en suivant
les règles de la Halakha), sans que cela ne remette en cause leur droit au
retour.
Autre chose…
Les réactions très vives de
ces derniers jours ne peuvent que me paraitre dès lors motivées par une
hostilité à Binyamin Netanyahu, et très disproportionnées. Elles peuvent aussi
et surtout être motivées par des considérations ayant très peu à voir avec la
religion juive et beaucoup plus avec le courant juif réformé américain, dans ce
qu’il exprime, et avec les positions de nombre de ses membres.
D’après ce que j’en sais, il
s’agit d’un courant au sein duquel le judaïsme est, aux Etats-Unis, en dilution
rapide, et au sein duquel les mariages avec des non Juifs sont désormais majoritaires.
Ceci conduit non seulement à l’existence d’un nombre croissant de gens qui se prétendent
juifs mais ne le sont plus que du bout des lèvres, ce qui pose problème pour la
survie du judaïsme et de la communauté juive aux Etats-Unis.
Nombre des Juifs qui le
composent sont nettement touchés par un glissement analysé voici un peu moins
d’une décennie par le grand penseur juif conservateur américain Norman
Podhoretz. Ce denier, dans un livre de référence, Why Jews Are Liberal?
(Pourquoi les Juifs sont-ils de gauche ?) parle, à leur propos, d’un changement
de religion et d’un passage du judaïsme à une méta-religion constituée par les
idées de la gauche américaine.
Ce courant et les Juifs
concernés sont depuis longtemps des adeptes du parti Démocrate. Et ils le
restent, quand bien même le parti Démocrate est aujourd’hui le parti de Barack
Obama et de Bernie Sanders, et quand bien même c’est un parti désormais très
accueillant envers les “antisionistes” qui frôlent parfois l’antisémitisme.
Nombre des Juifs concernés, tout en aidant financièrement Israël, financent des
organisations qui lui sont très peu favorables, telles B’Tselem et J Street.
Plusieurs rabbins du courant
réformé ont entamé une période de jeûne lorsque Donald Trump est devenu
officiellement président, le 20 janvier dernier, et ont parlé de “cataclysme”.
Que Donald Trump soit le président le plus favorable à Israël de l’histoire des
Etats-Unis, en plus d’un ami personnel de Binyamin Netanyahu, n’a eu aucune
influence quant à leur attitude.
Le courant juif réformé est
très majoritaire chez les Juifs américains, mais dès lors qu’un grand nombre de
ses membres ne sont plus réellement juifs, on peut se demander si ce courant
constitue un bienfait ou un péril pour le judaïsme. Je laisse, bien sûr, la
question en suspens.
Les Juifs plus orthodoxes aux
Etats-Unis restent juifs et me paraissent davantage porteurs d’un espoir de
futur pour le judaïsme américain. Et que nul ne me dise qu’ils sont fermés. Je
compte parmi eux quelques-uns de mes meilleurs amis.
Si les membres du courant
juif réformé américain font dépendre leur aide financière à Israël de questions
de lieux de prière mixtes au Kotel et d’un assouplissement des règles de
conversion, cela signifie surtout que leur attachement à Israël est bien
fragile et assez factice. Il serait bon qu’Israël ne dépende pas de gens dont
l’attachement à Israël est conditionnel.
Si ces mêmes membres sont
incapables de discerner ce que Binyamin Netanyahu accomplit depuis des années
pour l’Etat hébreu en termes de diversification des alliances, de création de
nouveaux partenariats (la visite de Narendra Modi ces derniers jours est un
élément parmi d’autres sur ce plan), de renforcement de la sécurité du pays et
de dynamisme économique, c’est qu’ils sont encore plus consternants que j’ai
tendance à le penser.
Même si je ne suis pas juif, je
conçois un infini respect pour le judaïsme et je sais ce que je lui dois et ce
que lui doit l’humanité entière. Et j’ai un infini respect pour ceux qui
gardent la Loi juive et lui ont permis de traverser les millénaires intacte
malgré les épreuves. Il m’arrive de douter que ceux qui ont tempêté contre
Binyamin Netanyahu ces derniers temps éprouvent autant de respect que moi.
Je considère la méta-religion
constituée par les idées américaines de gauche comme un danger pour les
Etats-Unis, pour Israël et pour le monde. Et je suis consterné en voyant que
des gens qui se disent juifs sont adeptes de cette méta-religion, qui me parait
très éloignée des valeurs du judaïsme.
Je regarde les positions
actuelles du parti Démocrate avec une consternation inquiète, et je suis sidéré
en constatant que des gens qui se disent juifs continuent dans ces conditions à
soutenir ce parti.
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