Cette fin de semaine
a vu les lignes de front des Unités de Protection du Peuple (YPG) céder sous la
pression de l’Aviation et de l’Artillerie du dictateur sanguinaire Erdogan. Rajo
(4 000 hab.) est tombée entre les griffes de l’envahisseur ottoman, ainsi que
la moitié de Jandairis (22 000 hab.), dont le centre est occupé par l’ennemi
[carte]. L’envahisseur se trouve désormais à moins de vingt kilomètres de la
capitale du canton, Afrin, par le Sud-Ouest, et à une douzaine par le Nord-Est
et la province de Sharan [carte] ; les principaux combats à Sharan se
situant actuellement autour des villages de Kafr Jannah et Maaraskeh,
littéralement noyés sous les obus des avions et des canons. Ces deux axes [flèches rouges] constituent les zones de poussée de l’offensive
turque sur Afrin-city.
La cause semble
militairement perdue et l’on craint des massacres dans les heures à venir ;
ce, d’autant plus que la communauté internationale, y compris les alliés des
Kurdes, restent coupablement muets, comme s’ils espéraient qu’Erdogan termine
son agression le plus rapidement possible, en tuant le moins de monde possible.
Carte des combats à Afrin. Situation le jeudi
8 mars 2018 à 18h
La résistance des
YPG et des YPJ (les combattantes) reste véritablement héroïque et elle demeure
organisée. Ils n’ont jamais anéanti plus de soldats adverses que durant les
derniers affrontements, mais c’est comme un barrage hydraulique qui aurait cédé :
face à l’armement ennemi et au nombre de ses militaires, l’eau empoisonnée s’infiltre
de toutes parts.
Mes
correspondants ont noté à Afrin un début de fuite des habitants en direction d’Alep,
la seule zone, avec le saillant vers al Bab, qui ne soit pas encore sous l’emprise
des porte-flingues du sultan dément. Les cœurs civils d’Afrin et de Jandairis
sont soumis depuis ce matin à des bombardements terrestres et aériens sans
précédents, qui sont assimilables à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Depuis le début
de l’agression ottomane contre l’enclave kurde d’Afrin, le 20 janvier dernier,
les YPG sont parvenues à éliminer 1 630 soldats de l’Armée turque ou supplétifs
islamistes arabes lors des combats, selon l’estimation de la Ména, qui est
correcte, compte tenu d’une marge d’erreur de 5 pour cent. 3 600 membres des
forces d’agression ont en outre été blessés et sont soignés dans des hôpitaux
en Turquie. La proportion entre Turcs et Arabes tués ou blessés reste d’un peu
moins d’un Turc pour quatre Arabes, même si le taux de Turcs, particulièrement
de leurs commandos, est en augmentation depuis le lancement de l’offensive
décisive.
Les YPG comptent 319
tués et plus de 650 blessés. 271 civils sont morts sous les bombardements de l’Aviation
et de l’Artillerie turques, et 32 ont été sommairement exécutés sur le bord des
chemins. Un peu moins d’une centaine d’enfants font partie du bilan morbide.
750 civils sont soignés dans les hôpitaux pour leurs blessures.
Erdogan a perdu,
en plus de 2 hélicoptères et leurs occupants, 126 véhicules militaires, dont 71
blindés ; douze ou treize autres ont été endommagés mais ont pu être
réparés et renvoyés au combat.
Les forces d’Erdogan
contrôlent désormais 38 pour cent de l’enclave d’Afrin [voir la carte], mais le
plus grave est qu’elles peuvent s’emparer de la capitale en isolant le nord du
canton, ses Peshmerga et sa population, car rien ne semble pouvoir contenir les
deux offensives en cours.
Ces jeunes femmes font actuellement écran
aux avions et aux canons
avec leurs seules personnes, leur
détermination intacte,
et la certitude de combattre pour notre
liberté à tous
Les
paramilitaires envoyés par al Assad et ceux de l’ayatollah Rohani se sont
montrés totalement inefficaces à contenir l’ennemi. Des dizaines sont morts, et
des centaines d’autres ont refranchi la limite de l’enclave en direction d’Alep.
A aucun moment
Assad n’a fait donner son aviation, sesmissiles antiaériens, son artillerie ou ses chars. On s’en souviendra,
particulièrement de ses affirmations selon lesquelles le Rojava fait partie
intégrante de la Syrie, au moment – qui viendra forcément un jour ou l’autre –
où il s’agira d’établir une continuité politique à la guerre.
Les FDS (Forces
Démocratiques Syriennes) sous commandement et à forte majorité YPG, se sont
massivement retirées des zones de l’est syrien, limitrophes de l’Irak, où elles
combattaient DAESH pour la Coalition occidentale. D’après mes informations, 22
000 des 25 000 Peshmerga qui s’y trouvaient ont été transférés dans le saillant
de Manbij et dans le reste du Rojava occidental, face à la Turquie. La
coalition sous commandement U.S. contient les miliciens de l’Etat Islamique à
grands renforts de bombardements aériens.
Dans le saillant
de Manbij où je me trouve, l’humeur des combattants kurdes est fébrile, mais
leur colère est stérile. Elle se heurte au refus toujours aussi obstiné des
Américains de les laisser ouvrir un nouveau front à l’ouest de Manbij afin de
porter secours à leurs frères assiégés à Afrin.
Il ne suffit d’ailleurs
pas que les Yankees leur donnent leur feu vert, car pour avoir une chance de
repousser l’envahisseur turc, il faudrait aux Kurdes au moins que l’Air Force
interdise le survol de la Syrie aux appareils du sultan criminel. Et cela, l’Administration
Trump n’est pas prête à l’envisager. Les officiers et les commandos U.S. et
européens en poste dans le Rojava ne partagent pas la position de leurs
gouvernements et certains écument de rage. J’ai vu des colonels U.S. et des
commandos européens pleurer ces derniers jours, lorsque j’évoquais avec eux l’éventualité
d’une opération de secours aux défenseurs d’Afrin.
Les FDS, pour
leur part, envisagent bien de se passer de l’accord et de l’appui de leurs
alliés, mais elles sont contraintes de faire le même calcul. Il y a, toujours selon
mon estimation, entre 11 et 15 000 Peshmerga dans le saillant de Manbij prêts
à passer à l’action ; mais sans couverture aérienne, sans chars, sans
artillerie, s’ils se lancent en direction d’Afrin, ils vont se faire décimer
par les F-16 d’Erdogan et ses tanks Léopard. Et dès lors, il n’y aura plus
personne pour défendre le Rojava oriental et sa population.
Le monde libre
est en train de sacrifier Afrin et son million de défenseurs, de civils et de
réfugiés de la Guerre Civile syrienne au profit de la protection du reste du
Rojava. C’est le deal qui ne dit pas son nom. C’est aussi le prix à payer pour
éviter une guerre Occident-Turquie et une sortie d’Ankara de l’OTAN.
A mon avis, on ne
fait cependant que retarder cette échéance, du fait que le sultan s’est lancé
corps et âme dans l’islamisation de son pays et de l’Europe. Ses discours, qui
ne sont plus rapportés en Europe et aux Etats-Unis, ne parlent que de cela, de
même que ceux de ses ministres. La semaine dernière, la soldatesque du dément a
arrêté deux garde-frontières grecs qui auraient involontairement franchi leur
frontière. Ils refusent de les libérer et annoncent vouloir les traduire en justice.
C’est avec ce genre de comportements qu’Erdogan va, petit à petit,
remilitariser ses rapports avec Athènes et Nicosie, jusqu’à ce qu’il se sente
prêt à entamer l’irréparable.
Les stratèges de
l’OTAN, des Armées grecque, cypriote et israélienne le savent pertinemment. Ils
sont conscients de ce que l’agression contre Afrin – sans la moindre
justification stratégique, je tiens à le rappeler – constitue la première étape
d’opérations armées qui suivront contre des Etats non-musulmans, de préférence
juif ou chrétiens.
Voilà le
compte-rendu de l’accablante réalité de ce jeudi soir. 10 000 de mes frères et sœurs
sont en train de mourir bravement, les armes à la main, sans aucune chance de s’en
sortir. Ils n’ont commis aucune faute et n’ont jamais usé de leurs armes pour
autre chose que pour se défendre. Ils sont des sacrifiés de l’histoire, comme l’histoire
en produit de temps à autres. A l’instar des Varsoviens, le 2 octobre 44,
contre l’occupant nazi, alors que l’Armée soviétique les a regardé se faire
massacrer. Comme les combattants du Ghetto de Varsovie, un an et demi auparavant,
face au même ennemi et au même endroit.
Le cœur empli de la honte de ne
pouvoir en faire plus, partagée par les Peshmerga qui m’entourent et l’immense
majorité des soldats des pays libres qui vont et qui viennent, notre courage
tient maintenant à regarder l’agonie de nos camarades sans cligner des yeux.
C’est également l’angoisse
qui nous étreint, non seulement quant au sort peu envieux que les hordes de
barbares ottomans réservent aux combattants et combattantes kurdes qu’ils
nomment terroristes, mais aussi à propos du million de civils, qui vont se trouver
sans protection, soumis au bon vouloir de la lie de l’humanité.
"Monsieur Sami El Soudi, par P Vallois", Je
consulte ce site depuis longtemps et je vois qu'il n'est pas trop
vivace. Cela n'a guère d'importance. Les articles suffisent.
Sauf,
à mes yeux, sur un point. C'est qu'il semble qu'aucun lecteur n'ait
pris soin de vous marquer toute la considération, la haute estime, que
dis-je, le bonheur que l'on éprouve à lire vos textes.
Vous êtes, je crois, la personne au monde qui fait le mieux comprendre ce qui se passe au Proche et Moyen-Orient.
Vos papiers depuis 2003 sont incomparables. Ils méritent d'être réunis et publiés. A tout le moins.
Merci infiniment."
Système préférentiel de
paiement de l'abonnement :
par carte bancaire, auprès de la Royal Bank of Scotland, hautement sécurisé, en français, pour accéder presser [ici]
Nouveau:
En envoyant un email à info@metulanews.info indiquant s'il s'agit
d'un nouvel abonnement ou d'un renouvellement, en mentionnant
impérativement tous les détails suivants :
A. Le type d'abonnement choisi (consulter la liste des différentes options à la page http://www.menapress.org/sub/subscribe.html).
B. Votre type de carte (Visa, Diners, Master Card etc.)
C. Le numéro de votre carte.
D. Le nom du détenteur de la carte tel que figurant sur celle-ci.
E. La date d'échéance de la carte (mois, année).
F. Le numéro de sécurité : les 3 derniers chiffres apparaissant au dos de la carte.
G. Votre adresse physique.
Nous vous enverrons une confirmation de la transaction et détruirons
consciencieusement les informations que vous nous aurez transmises
immédiatement ensuite.
Vous pouvez également adresser le montant net de vos abonnements,
par transfert bancaire, à :
MIZRAHI TEFAHOT BANK LTD.
SHDEROT TEL - HAI 77 STREET
BRANCH NO. : 487
KIRYAT SHMONA
SWIFT : MIZBILIT
ACC : 448025
NAME : METULA NEWS AGENCY S.A
IBAN : IL 19 0204 8700 0000 0448 025
Les avantages de l'abonnement :
Recevoir les dépêches par E-mail dès qu'elles sont publiées par la Ména
Accéder à toutes les rubriques de ce site
Accéder à tous les articles
Accéder au forum
Lire l'article tel que son auteur l'a écrit
Obtenir le droit d'envoyer les articles à ses amis