Antisémitisme sémantique ordinaire dans Le Figaro (012612/20)
samedi, 26 décembre 2020
Par
Ilan Tsadik
Le Figaro a publié hier à 20h33 heure de Paris une dépêche basée sur
un câblogramme de l’AFP et intitulée "Deux
roquettes tirées depuis Gaza sur Israël" [https://www.lefigaro.fr/international/deux-roquettes-tirees-depuis-gaza-sur-israel-20201225].
Sauf que le titre
de la brève est à peu près la seule chose de déontologiquement décent dans la
publication du quotidien parisien. Lequel a "aménagé" l’annonce faite
par France Presse, qui est globalement regardable.
Sur le Net, l’intervention
du Fig débute par une grosse faute journalistique visant, comme le reste
des bidouillages de cet article, à justifier le tir de deux roquettes par des
terroristes islamiques sur une ville de 130 000 habitants, dans le but d’en
tuer le plus grand nombre possible.
A nous de noter,
d’une part, que ces tirs sont spontanés en cela qu’ils n’avaient été précédés d’aucune
initiative offensive de la part de l’Armée israélienne, et de l’autre, qu’il s’agit
effectivement d’un acte terroriste, puisqu’il est le fait d’individus armés s’attaquant
intentionnellement à des civils.
Dans ce cas,
pourquoi Le Figaro publie-t-il cette grande photo de Jaafar Ashtiyeh de
l’APF, juste sous le titre, montrant la fuite à toutes jambes de "manifestants"
palestiniens de Gaza soumis à des tirs de gaz lacrymogènes de Tsahal, comme l’indique
sa légende ?
Vu son
positionnement dans la dépêche, cela ne peut être que l’illustration de l’évènement
qu’elle décrit.. Non pourtant : il n’existe strictement aucun lien entre
la grande photo qui précède et des tirs de bombes volantes sur une ville pacifique.
Hormis l’intention professionnellement condamnable de la part du quotidien de "justifier"
ces tirs par l’agression que viendraient de subir les habitants palestiniens de
la bande de Gaza.
Suivant ce raisonnement sulfureux dont on ne saurait
exclure une dynamique antisémite (chaque raisonnement a inévitablement un
fondement), toute agression de terroristes palestiniens contre des civils
israéliens serait justifiée. C’est à tout le moins pernicieux.
Non seulement la photo n’a rien à faire là, mais elle n’est
pas non plus concomitante avec le bombardement d’hier. Au surplus, on doit
déontologiquement se demander si la qualification correcte de personnes lançant
des objets incendiaires boutant le feu à des centaines d’hectares de cultures
et de forêts, et massacrant des centaines de milliers d’animaux n’est pas
plutôt "émeutiers" que "manifestants".
Pour que le lecteur puisse se forger son opinion, il serait
nécessaire de lui raconter toute l’histoire et non de se contenter de montrer
des gens fuyant sous des tirs de grenades lacrymogènes.
Avançons dans la dépêche. Pour prendre connaissance du
contenu d’un communiqué de l’Armée israélienne rapporté par Le Fig :
"Deux roquettes ont
été lancées par des Palestiniens depuis la bande de Gaza vers Israël et
interceptées par le bouclier antimissile israélien, a indiqué ce vendredi 25 décembre l'armée
israélienne peu après le
retentissement des systèmes d'alarme dans le sud de l'État hébreu.
Les sirènes d'alerte
avaient retenti peu avant dans la ville portuaire d'Ashkelon, dans le sud, et
dans les zones entourant l'enclave palestinienne
sous blocus israélien depuis plus d'une décennie, a indiqué l'armée dans un communiqué".
Okay.
Sauf que Tsahal n’a jamais émis un tel communiqué. Celui
réellement produit par son porte-parole ne fait pas état de Palestiniens. Même
si ce n’est pas grave, parce que l’on imagine bien que ce ne sont pas des
Antillais qui tirent des roquettes à partir de Gaza, il s’agit tout de même d’une
liberté prise avec une citation, ce qui n’a pas lieu d’être du point de vue ontologique.
Quant à mentionner que l’Armée israélienne a reconnu qu’elle
imposait "un blocus" de "plus d’une décennie" à la Bande de
Gaza, c’est en revanche un détournement de citation extrêmement grave. On peut
d’ailleurs difficilement faire pire en matière de journalisme professionnel.
D’abord, parce que l’Armée israélienne est libre de dire ce
qu’elle a envie de dire, et que Le Figaro ou qui que ce soit d’autre ne
détient pas la licence de modifier les propos de celui qui les tient.
Ensuite, parce que cela fait dire à l’Armée israélienne qu’elle
reconnaît qu’elle coupe TOUTES les communications de Gaza avec le monde
extérieur depuis plus de dix ans. Et donc qu’elle admet la légitimité
intrinsèque des habitants de l'enclave palestinienne de bombarder les villes
israéliennes, puisque, selon la citation deTsahal "remaniée" par le
journal francilien, ils seraient en situation de légitime défense en résistant
comme ils le peuvent à un "blocus".
Et si c’est Tsahal qui reconnaît cette "légitimité",
la question est donc close et les Ashkaloniens n’ont ainsi que ce qu’ils
méritent. Dixit Le Figaro, dans un détournement dont il est impossible,
vu sa gravité, d’exclure l’intention antisémite.
Parce que le VRAI communiqué de Tsahal dit ce qui suit :
"Tsahal: Suite au
précédent rapport concernant les sirènes qui ont retenti il y a quelques
minutes dans la ville d'Ashkalon et dans les environs de la bande de Gaza, deux
roquettes ont été tirées depuis la bande de Gaza vers le territoire israélien.
Les roquettes ont été interceptées par le système de défense aérienne Dôme de
Fer".
Encore une remarque de fond à l’intention du Figaro
et d’autres journalistes francophones :
Il n’existe pas de blocus israélien sur Gaza, ni depuis dix
ans, non plus que depuis une semaine. Imposer un blocus, selon la langue française
rapportée par Larousse (par exemple), c’est l’ "Investissement d’une ville, d’un port, d’une position, d’un pays pour
lui couper TOUTE communication avec l’extérieur".
Les majuscules et les caractères gras sont de moi. Car même
si c’était l’intention de Tsahal d’imposer un blocus sur la Bande côtière, ce qui
reste à établir, l’Armée israélienne n’est pas en mesure de le faire puisque
13km de la frontière entre Gaza et l’ "extérieur" échappent à son
contrôle.
Ils sont administrés par l’Armée égyptienne, qui gère la
frontière entre le califat proclamé par le Hamas à Gaza et la République Arabe
d’Egypte, le plus puissant et le plus peuplé des Etats arabes, chef permanent
de la Ligue Arabe.
Il ne saurait donc être question de blocus de la part de l’Armée
israélienne, ni de "prison à ciel ouvert", ni de toutes ces
expressions controuvées qui ne sont pas sans rappeler la manière dont on accusait
les Juifs sous le régime de Vichy d’être responsables de tous les maux.
Pour le surplus, c’est Israël qui livre quotidiennement aux
Gazaouis absolument tout ce dont ils ont besoin, à l’exception d’explosifs et
de Kalachnikovs. L’Etat hébreu maintient ainsi en vie 1.3 millions de Palestiniens
de l’enclave de Gaza, en organisant une noria de centaines de camions
israéliens dont les marchandises transitent par le poste frontière de Kerem
Shalom.
Je rappelle aux mêmes journalistes francophones de tout à l’heure
que l’imposition d’un blocus vise à étouffer une ville, un port, une position
ou un pays, le plus souvent dans l’intention de forcer l’ennemi à abandonner le
combat. Et non à perfuser un territoire dont les gouvernants déclarent dans
leurs statuts leur intention d’éradiquer l’Etat d’Israël et tous ses habitants.
C’est carrément l’antithèse d’un blocus !
A force de centaines de mises au point de ce genre, la Ména
a presque réussi à rapprocher l’AFP d’une couverture moins émotionnelle
du conflit palestino-israélien et partant, plus professionnelle. La dépêche du Figaro
reflète les travers de l’habitude, et cette propension qu’ont certains membres
de l’intelligentzia parisienne de tous bords de se croire autorisés à traiter
les Israélites d’une façon différente de celle qu’ils appliquent au reste du
monde.
Nous nous contentons de relever les évidences factuelles de
ce traitement ségrégationniste. Non sans ressentir il est vrai un désagrément
qui s’apparente à de la nausée.
RIPOSTE
DE TSAHAL
Retour au factuel :
"L'Armée israélienne a frappé plusieurs cibles du
Hamas dans la bande de Gaza dans les premières heures de samedi après que des
roquettes tirées de l'enclave de Gaza ont été interceptées au-dessus du sud
d'Israël", a déclaré l'unité du porte-parole de Tsahal.
L'armée a déclaré qu'elle avait touché un poste militaire
du Hamas, une usine qui produit des roquettes ainsi que des infrastructures
souterraines.
Deux personnes ont été très superficiellement blessées à
Gaza lors de ces représailles.
"Monsieur Sami El Soudi, par P Vallois", Je
consulte ce site depuis longtemps et je vois qu'il n'est pas trop
vivace. Cela n'a guère d'importance. Les articles suffisent.
Sauf,
à mes yeux, sur un point. C'est qu'il semble qu'aucun lecteur n'ait
pris soin de vous marquer toute la considération, la haute estime, que
dis-je, le bonheur que l'on éprouve à lire vos textes.
Vous êtes, je crois, la personne au monde qui fait le mieux comprendre ce qui se passe au Proche et Moyen-Orient.
Vos papiers depuis 2003 sont incomparables. Ils méritent d'être réunis et publiés. A tout le moins.
Merci infiniment."
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