Vaccin : Israël en tête de la course, la France à la traîne (012912/20) |
mardi, 29 décembre 2020 | |
Par le Dr. Olivier Katz
Au 29
décembre, 500 000 personnes ont été vaccinées en Israël, 50 en France. Depuis
une semaine, les Koupot Kholim (caisses maladies) de l’Etat hébreu immunisent à
tours de bras les personnes de plus de 60 ans, le corps médical, et tous les
volontaires, en fonction des disponibilités. Et l’Etat veut augmenter le nombre
d’injections à 150 000 par jour, ce qui permettra de vacciner près de la moitié
de la population en un mois.
De
l’autre côté de la Méditerranée, les rares exemples de vaccination dans
l’Hexagone présentent au moins un avantage : on est le seul pays européen
où l’on connaît les noms de toutes les personnes vaccinées.
Israël
s’est confrontée avec succès aux deux problèmes majeurs de la vaccination :
l’approvisionnement en quantité suffisante, en acceptant de payer plus cher le produit,
et le maintien de la chaine du froid à -80°C, grâce à une logistique en partie
déjà existante. De plus, le système de distribution par les caisses maladie
permet d’atteindre toute la population en un temps record, y compris dans des
endroits reculés : il existe en effet des dispensaires dans la plupart des
villages.
Environ
deux millions de personnes en Israël sont considérées à haut risque - les
personnes âgées de 60 ans et plus, les plus jeunes souffrant de problèmes
médicaux présentant un risque particulier face à la Covid-19, et le personnel
médical. Lequel procure à Israël un avantage majeur dans la campagne de
vaccination en cours en raison des soignants des caisses maladies, hautement
qualifiés et possédant une expérience antérieure acquises lors de tels exercices.
Ils
participent ces jours à une opération particulièrement efficace, soutenue par
le ministère de la Santé. De plus, la réponse du public est élevée. A ce
rythme, les groupes à haut risque recevront leur deuxième dose d'ici la fin du
mois de janvier et seront immunisés quatre à cinq jours plus tard.
Quel
est l’enjeu de cette course contre la montre ? C’est bien sûr la
limitation des décès et des patients admis en réanimation ; avec,
accessoirement, quelques bulletins de vote de plus dans l’escarcelle du Premier
Ministre, qui lui seront certainement nécessaires lors des prochaines élections
en mars.
Mais
ne nous y trompons pas, le côté "game changer" de la vaccination est
ailleurs..
Faute
de médicament disponible, on ne sortira pas de la crise sanitaire post-Covid
sans vaccin. Le premier pays dont la population sera protégée redémarrera
économiquement avant les autres, et pourra tailler des croupières à tous ceux
qui, mollement, se contenteront d’un rythme plus sénatorial pour leur campagne
d’inoculation. De plus, à moins d’augmenter de façon drastique le nombre
d’injections quotidiennes, ce retard n’est pas rattrapable.
Israël
l’a très bien compris. Peu importe le coût et les efforts entrepris, ils seront
payés en retour par une avance stratégique dans la compétition économique internationale.
L’Etat
hébreu a donc accepté de payer plus cher que les Etats Unis et près du double
du prix payé par l'Union européenne pour recevoir le vaccin contre le Coronavirus
du laboratoire Pfizer, a rapporté dimanche la chaîne de télévision publique Channel
13.
Le
prix d'une dose unique (il en faut deux) revient ainsi à 23.60 euros à l’Etat
d’Israël, alors que les Etats-Unis ne le paient que 16.50 euros par injection,
et l'UE 14.50 euros.
De
plus, Jérusalem a aussi acheté des doses de vaccin à Moderna, le concurrent de Pfizer,
afin de mettre tous les atouts de son côté, à un prix plus élevé encore. A
noter également que le vaccin israélien, qui ne nécessitera qu’une seule
injection, se trouve en phase III d’expérimentation sur l’homme ; il est
actuellement administré à 40 000 volontaires, sur une base de 75% de vaccins et
25% de placebo.
Pendant
ce temps, comme l’a rappelé le Professeur Philippe Juvin, responsable des
urgences à l’hôpital Georges Pompidou, au micro de Bernard Poirette sur Radio
Classique, la France peine à gérer son approvisionnement, et réfléchit encore
au dimensionnement optimal de sa chaine logistique.
Ecouter
l’interview du Professeur Juvin :
http://data.radioclassique.fr/Podcasts/Invite_Politique_du_29-12-2020_08h14.mp3
Il
est donc très facile d’en déduire les conséquences : des milliers de morts
évitables (malgré le reconfinement qui pointe à l’aube de cette nouvelle année).
Il
existe d’autres conditions pour lancer une campagne de vaccination efficace en
France. Car actuellement, seuls 44 pour cent de la population accepterait de se
faire vacciner [voir le graphique ci-dessous], et la toute puissante Commission
Nationale Informatique et Libertés exige toujours l’acceptation signée de
chaque volontaire avant qu’il ne se fasse piquer, ce qui, dans le cas de
certains pensionnaires d’EHPAD par exemple, peut se révéler ubuesque et
nécessiter la signature d’un tiers de confiance.
Sondage BVA du 11 au 14 décembre pour le Journal du Dimanche
Lorsque
la logistique de distribution sera prête, on comprend qu’une campagne médiatique
d’envergure sera également indispensable pour expliquer au public l’intérêt de
la vaccination et relativiser ses appréhensions. Ces écueils pourraient faire
en sorte qu’à l’automne 2021 la majorité de la population de l’Hexagone ne soit
pas encore immunisée. Cela se paierait en nombre de décès et en milliards
d’euros supplémentaires égarés.
On sent
bien que la désorganisation du système décisionnaire français, du Président aux
fonctionnaires de la santé en passant par les élus nationaux, va encore faire
des siennes : après le défaut de masques, les hésitations sur les
traitements, on voit arriver à grands pas le manque de vaccins et l’inappétence
du public pour leur utilisation.
A
moins que l’information transmise par le journal allemand Der Spiegel1
[all. : le miroir] ne s’avère exacte, et que la France ait volontairement saboté
l’achat de 500 millions de doses de vaccins Pfizer-BioNtech par l’Union
Européenne afin de protéger son poulain le groupe Sanofi. Dont le vaccin n’a
malheureusement pas obtenu son homologation par l’Agence Européenne du
Médicament, et mettra six mois supplémentaires pour y parvenir… Encore que nous
n’osons y croire !
Au
final, Israël est sur le point de gagner la bataille du vaccin, alors que la
France a beaucoup de chemin à parcourir pour recoller au peloton. Il va donc
falloir retrousser ses manches… pour se faire piquer.
Note :
1 Der Spiegel : livraison du 19 décembre 2020, par Markus Becker
|