L’explosion de Téhéran : toutes les explications (012806/20)
dimanche, 28 juin 2020
Par Jean Tsadik
Avec
Stéphane Juffa et Jules Mazouz
Pendant la nuit de jeudi à vendredi derniers, la Ména a été
l’une des premières agences à annoncer, photos, cartes et vidéos à l’appui,
qu’une série d’explosions s’étaient produites à l’est de Téhéran.
Dans la dépêche que nous avons émise une heure seulement après
les déflagrations, en plein silence médiatique de la théocratie persane, Juffa,
assisté de Mazouz et d’Ohana, a indiqué, en exclusivité mondiale, l’emplacement
exact de l’explosion principale.
Il s’agit d’un authentique exploit journalistique. Sur la
carte, ils mentionnaient uniquement l’agglomération de Dehtorkaman et
indiquaient : "Ce que nous prenons la responsabilité d’annoncer en ce
moment est que l’explosion principale se situe avec certitude à 12km à l’est de
la capitale iranienne, et à 5km à l’est d’une localité que nous avons
identifiée comme étant Dehtorkaman".
Sur la base des images prises par un satellite européen qui
ont été produites une journée plus tard, on peut se rendre compte que
l’emplacement désigné par Juffa est très précisément celui où l’explosion a eu
lieu [carte].
Le site iranien dans lequel l’explosion s’est produite
Au milieu des annonces faites par les autres media, qui
préludaient du coup d’envoi de la grande guerre avec l’Iran des ayatollahs,
d’un bombardement généralisé américain de son territoire avec des missiles de
croisière Tomahawk, d’une cyber-attaque, d’un incendie dans une centrale
électrique, la Ména calmait le jeu, écrivant qu’elle "ne se mêlera
pas de ces suppositions aléatoires avant de savoir avec certitude ce qu’il se
passe".
Or samedi, les photos satellitaires montraient, à l’endroit
indiqué la veille par la Ména, une sorte de rectangle carbonisé de 400 mètres
sur 600. Le CNRI – le Conseil National de la Résistance Iranienne –
habituellement bien informé relativement aux incidents sécuritaires, relatait
dans l’un de ses communiqués datés d’hier que "dans les villages
environnants, la plupart des fenêtres ont été brisées et les vieux murs
fissurés, il y a eu des morts et des blessés, et le Croissant-Rouge est
intervenu. Des ambulances et les pompiers se rendent de Téhéran à Pakdasht et il est interdit aux habitants de
Hamamak et de Nik de quitter leur village en raison de l’explosion. Des
hélicoptères ont survolé la région à plusieurs reprises depuis ce matin. Une
grande explosion s’est produite dans le secteur des munitions, en particulier
de la production d’ogives de missiles balistiques".
Tôt dans la matinée de vendredi, les autorités de la junte
théocratique, pour brouiller les pistes, déclaraient – photos bidouillées à
l’appui - que l’explosion s’était produite sur un gazoduc civil, à proximité du
site de Parchin, qui se situe en fait à 25km au sud-est de l’impact réel.
L’intention de la Propagandastaffel de Khameneï – le "Guide Suprême"
– était d’attirer l’attention mondiale sur un site connu pour ses activités
passées d’essais de composants d’une bombe atomique, fermé depuis et recouvert
de sable.
Il ne fallait pas que les regards se focalisent sur la
vaste zone fermée, exclusivement consacrée au développement des missiles
balistiques qui s’étend à l’est de Dehtorkaman. La presse internationale a pris
l’habitude de nommer cette région du nom de l’agglomération de Khojir, une
minuscule localité située à 7km à l’est de l’explosion.
En réalité, la zone de développement des missiles qui
mesure 7km dans l’axe nord-sud, sur 4.5 en largeur, compte une multitude
d’unités militaires dédiées à la recherche et à la production de tous les
composants nécessaires à la fabrication des missiles balistiques ainsi qu’à
leurs essais [carte].
La zone interdite dédiée à la production des missiles
balistiques
Chaque cercle contient une unité de recherche/production
L’unité dans laquelle l’incendie s’est déclaré se situe dans le
cercle rouge
Ils sont gérés par deux entités industrielles dépendant directement du ministère de la Logistique de la
Défense et des Forces Armées et l’Organisation de l’Industrie Aérospatiale. Il
s’agit de Shahid Hemmat Industrial Group (SHIG) et de Shahid Bakeri Industrial
Group (SBIG) de même que de leurs multiples filiales. SHIG s’occupe des
carburants liquides et SBIG, des propulsants solides. A notre avis, les deux
entités se partageaient le site qui a probablement été attaqué la semaine
dernière.
Les deux sociétés sont nommées d’après un shahid, une
personne décédée de mort violente dans la guerre interminable visant à assurer
le triomphe universel de l’islam [aussi bien chez les sunnites que chez les
chiites. Ndlr.].
A première vue, l’incendie s’est déclaré dans un bâtiment
industriel insignifiant de la base [carte]. Mais tous les produits que pouvait
contenir un édifice de cette taille (50m sur 30) n’auraient pas pu produire un
incendie qui a illuminé tout le ciel de Téhéran.
Le bâtiment insignifiant et le puits d’accès au souterrain
D’après les photos et les vidéos prises à partir de la 3ème
rangée d’immeubles du district (quartier) 14 de Téhéran, à 15km de l’impact, on
peut assez précisément déterminer que les flammes dépassaient 60 à 70 mètres de
hauteur et que le feu a duré plusieurs heures. Or ce n’est pas un entrepôt de
cette taille, d’un seul étage, qui peut fournir l’énergie nécessaire pour
entretenir un tel brasier.
On s’est donc intéressé de plus près ce dimanche matin aux
images satellites et on a rapidement saisi de quoi il était question : le
bâtiment "anodin" se trouve en réalité à l’extrémité sud-est d’un
très vaste réseau souterrain, dont nous avons également repéré l’accès
principal [cartes] à 730 mètres de là.
Et ce n’est pas tout, à 140 mètres au sud-ouest de la
construction "sans intérêt", nous avons formellement identifié un
puits artificiel circulaire d’un diamètre de 30 mètres ! Tout est fait
pour lui attribuer l’apparence d’un orifice naturel, mais un œil aguerri ne
peut pas ne pas repérer les signes d’une construction d’origine humaine.
Pour en avoir le cœur net, j’ai demandé à un assistant de
vérifier s’il trouvait une autre fosse de ce genre dans un rayon de cinq
kilomètres de celui que nous avions découvert, et sa réponse fut :
"il n’y a rien qui ressemble à cela dans toute la contrée".
C’était une sur-vérification sans doute inutile, car qui
construirait un site de fabrication et de test de fusées sur un sol miné par
d’énormes galeries souterraines naturelles ? Le régime iranien est
criminel mais il n’est pas idiot.
A quoi sert ce très grand puits ? Plusieurs hypothèses
sont envisageables, elles vont d’un silo de tir à une sortie de secours ou à un
conduit accédant au système d’aération. Tout ce qui a trait aux missiles étant
extrêmement toxique et nécessitant une parfaite ventilation, je penche pour
l’hypothèse d’une entrée d’air, pouvant sans doute également servir de porte
d’évacuation d’urgence, ce qui n’est pas incompatible.
Pourquoi pas un silo ? Parce qu’il est très rare de
trouver un silo de tir terrestre unique – personnellement je n’en connais pas
-, parce que si le silo unique est détruit par un bombardement, on ne peut plus
tirer aucun des missiles stockés sous la terre. Mais l’hypothèse n’est pas à
exclure totalement, les ingénieurs islamiques ayant peut-être des raisons que
la raison ignore.
On observe également que le sol au-dessus du complexe
souterrain – une ville en fait – a été "préparé". Il est bien trop (complètement)
plat par rapport au reste du paysage environnant qui est vallonné et fissuré de
toutes parts. Il est probable que cette installation a été, partiellement au
moins, construite à ciel ouvert, et que lorsqu’elle a été recouverte, on a
tenté de faire ressembler son revêtement extérieur à un ensemble de champs
agricoles. Mais des champs agricoles sans fermes alentours ? De toutes
façons, avec la netteté des photos satellitaires actuelles, on s’aperçoit
immédiatement qu’il ne s’agit pas de terrains agricoles, et on est même
intrigué par l’apparence de ces sols.
Une apparence de champs agricoles complètement plats (cercle
orange)
Reste à savoir à quoi est dédié ce très vaste réseau
souterrain, et on ne peut exclure la moindre hypothèse, car nous n’avons
toujours pas développé à la Ména la capacité de voir à travers la terre. Mais
en considérant les éléments que nous connaissons comme la taille du complexe et
de sa voie d’accès principale, ainsi que les moyens considérables qui ont été
mis en œuvre pour le construire, nous avons évidemment des préférences.
A mon avis, cet ensemble renferme des camions capables de
lancer très rapidement des missiles [photo de référence], ainsi que tout ce qui
est nécessaire à les équiper, à l’instar des ogives, donc des explosifs à tout
le moins et, bien sûr, des réserves de carburant – solide d’après moi -, pour
les propulser. Contrairement à ce que j’ai lu sur d’autres media, on est en
présence d’un site majeur, et en mesurant l’ampleur de l’explosion, il y a fort
à parier que tout ce qui se trouvait dans l’installation souterraine a été
détruit par les explosifs qu’elle renfermait.
Des camions porteurs et lanceurs de missiles balistiques
iraniens
S’il s’agit d’une attaque et non d’un accident, l’agresseur
n’aurait pas pris le risque d’une riposte iranienne s’il n’avait pas
l’intention de porter un coup décisif à la capacité balistique de son ennemi.
Ceci dit, on ne peut totalement écarter l’hypothèse d’un
accident, et cela pour deux raisons : d’une part, il n’existe que peu de
complexes militaires qui contiennent autant de matériaux dangereux et explosifs
au mètre carré qu’une base souterraine accueillant des missiles balistiques
prêts à l’emploi, montés sur de gigantesques camions conçus pour l’air libre.
De l’autre, le régime théocratique chiite se trouve en situation de banqueroute
virtuelle et, dans ces conditions, il est raisonnable d’imaginer qu’il est
contraint de faire des économies périlleuses sur les mesures de protection de
ses sites. Des manquements qui peuvent s’avérer fatals.
Cette hypothèse posée, que je n’exclus en aucune manière,
je penche plutôt pour celle d’une action hostile, qui ne serait pas la première
à viser une concentration de missiles en Iran.
Après avoir énoncé cette éventualité, il faut encore
essayer de faire le tri entre les modes opératoires ayant été utilisés. J’en
vois trois possibles : 1) Une cyber attaque, mais je conçois mal comment
générer une explosion de cette nature grâce à l’informatique. Il est vrai que
je ne suis pas un expert en la matière (il n’en existe que très peu et ceux qui
existent sont discrets) et que certains Etats disposent de technologies hors du
commun dans ce domaine. 2) Un sabotage. Ce qui me refroidit dans ce postulat
tient dans la nécessité pour les saboteurs de s’introduire au cœur de l’un des
secteurs les plus sécurisés de la "République" Islamique, de pénétrer
à l’intérieur du souterrain jusqu’à l’endroit précis qui pouvait déclencher
l’explosion, d’en ressortir et de quitter le périmètre ultra-sécurisé sans
laisser de traces. Dans ce cas aussi, rien n’est impossible pour des services
étant parvenus à subtiliser l’ensemble des archives nucléaires de l’Iran, en
plein cœur de Téhéran, et de les ramener à Jérusalem. Mais c’est un scénario
qui serait recallé pour le prochain James Bond, parce que les spectateurs ne
pourraient pas y croire. 3) Le plus simple aurait été d’envoyer deux F-35 qui
auraient décollé d’Arabie Saoudite ou d’un émirat du Golfe, pays dont les dirigeants
auraient été plus que satisfaits de se débarrasser de ces armes qui les
menacent directement au prix d’une coopération avec Israël (par exemple). Je
n’ai aucun doute quant au fait que des F-35 peuvent traverser l’ensemble de
l’espace aérien iranien sans être repérés et frapper un objectif de ce genre
avec une précision chirurgicale. En comparaison des autres alternatives,
celle-ci ne comporte que des avantages.
Que penser d’une éventuelle riposte de la part des
ayatollahs ? Un évènement tel celui qui s’est déroulé dans la nuit de
jeudi à vendredi n’est pas de nature à renforcer la capacité offensive de
Téhéran, bien au contraire. Elle aura assurément porté un coup supplémentaire
au moral des dictateurs et de leurs généraux. D’ailleurs, même si l’opération
n’avait pas eu lieu, je ne suis pas du tout certain que leurs missiles auraient
pu atteindre une cible en Israël ou dans un pays protégé par les Khetz. Sans
compter qu’au vu du rapport de force avec Israël ou les Etats-Unis, le tir d’un
seul de ces engins équivaut à un authentique suicide.
Qu’en est-il de la synthèse des éléments que nous
connaissons et que je viens de décortiquer avec vous ? Je pense qu’un
accident qui surviendrait précisément à l’endroit où l’on aimerait le plus
qu’il advienne tiendrait d’une sorte de miracle. Le genre d’occurrence pour
laquelle on a mille fois moins de chance qu’elle arrive que gagner vingt
millions d’euros à la loterie. Même s’il y a des gens qui gagnent effectivement
vingt millions d’euros à la loterie.
Grâce au remarquable travail préparatoire de mes camarades
de la Ména, ils m’ont fourni beaucoup de données qui m’ont permis d’établir mon
analyse. Il reste toutefois certaines questions pour lesquelles je n’ai pas
l’esquisse d’une réponse sensée. Par exemple, pourquoi l’Allemagne et la France
continuent-elles à soutenir la junte théocratique perse contre la soif de
démocratie de la majorité écrasante des gens qu’elle opprime et contraint à la
misère ?
L’Allemagne et la France qui viennent de s’opposer à une
nouvelle volée de sanctions américaines, quand bien même elles savent que
Khameneï persiste dans la fabrication de sa bombe atomique, en dépit de sa
faillite économique et de la pandémie qui fait autant de ravages parmi les
Iraniens qu’entre ses complices dictateurs ?
Madame Merkel et Monsieur Macron n’ont-ils réellement pas
compris que la bombe atomique que les théocrates conçoivent ainsi que les
missiles balistiques détruits vendredi sont destinés aussi bien à Berlin et Paris
qu’à Tel-Aviv ?
"Monsieur Sami El Soudi, par P Vallois", Je
consulte ce site depuis longtemps et je vois qu'il n'est pas trop
vivace. Cela n'a guère d'importance. Les articles suffisent.
Sauf,
à mes yeux, sur un point. C'est qu'il semble qu'aucun lecteur n'ait
pris soin de vous marquer toute la considération, la haute estime, que
dis-je, le bonheur que l'on éprouve à lire vos textes.
Vous êtes, je crois, la personne au monde qui fait le mieux comprendre ce qui se passe au Proche et Moyen-Orient.
Vos papiers depuis 2003 sont incomparables. Ils méritent d'être réunis et publiés. A tout le moins.
Merci infiniment."
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