La grande crise du judaïsme américain (info # 012210/17)
dimanche, 22 octobre 2017
Par Guy Millière
J’ai abordé le thème de cet article voici quelques
semaines. Je dois y revenir, le sujet me semblant très important. Car la plus
grande communauté juive sur la planète en dehors d’Israël est la communauté
juive américaine, et elle est en crise depuis longtemps. Or la crise est en
train de s’approfondir.
L’une des manifestations de la crise a été, voici peu,
la controverse concernant les espaces de prière au Kotel (mur occidental du
Temple) à Jérusalem et les questions de conversion au judaïsme.Et l’on a vu à cette occasion des dirigeants
juifs américains tenir des propos féroces contre le gouvernement israélien et les
autorités religieuses juives en Israël. On a même vu des menaces aux allures de
chantage s’exercer à l’encontre d’Israël.
Comme l’a déclaré David Friedman, ambassadeur des
Etats-Unis en Israël, de telles attitudes n’ont pas de précédents. Ce qui les
explique dépasse de beaucoup les motifs publiquement invoqués.
Depuis plusieurs décennies, la communauté juive
américaine vote massivement à gauche, et bien que la gauche américaine ait, ces
dernières années, glissé vers l’extrême gauche, bien qu’elle ait adopté des
attitudes de moins en moins amicales aux dépens d’Israël et de plus en plus
“propalestinienne”, cela n’a rien changé au vote juif, ou très peu. Nombre de
Juifs américains ont accompagné le glissement.
Ce glissement s’est manifesté chez ceux-ci par une
prise de distance avec le judaïsme, certains s’éloignant de leur religion de
naissance, et parfois se détournent d’elle. Comme je l’ai noté récemment, près
de la moitié des jeunes Juifs américains de moins de trente ans aujourd’hui
disent ne plus avoir la moindre relation avec le judaïsme. Une proportion
équivalente est indifférente ou hostile à Israël.
La conséquence est que les grands courants du
judaïsme américains, le judaïsme réformé et le judaïsme conservateur (qui, à
mes yeux, n’est pas conservateur du tout) perdent des fidèles et voient leurs
synagogues se vider. Cela conduit leurs dirigeants à courtiser ceux qu’ils
peuvent espérer rattraper, ce qu’ils font en gauchisant leur discours, en
tenant des propos étranges et douteux sur Israël, et en se liant parfois non
seulement à des gauchistes, mais également à des islamo-gauchistes tels que
Linda Sarsour, musulmane américaine de tendance islamiste, “palestinienne” de
profession, qui a soutenu le Hamas et appelé au djihad contre Donald
Trump.
Tous ces éléments pourraient faire craindre une
disparition graduelle du judaïsme aux Etats-Unis, laisser penser que les Juifs
américains vont devenir des gens de gauche et des gauchistes islamophiles comme
les autres, et ils permettent de prendre les attitudes dont je parle plus haut
avec un grain de sel et la distance requise.
Ils incitent à repenser au livre lucide et, par bien
des aspects prémonitoire, de Norman Podhoretz, écrit juste après l’élection de
Barack Obama, Why Jews Are Liberal,
(Pourquoi les Juifs (américains) sont-ils de gauche).
Ils pourraient amener à penser que les Juifs
américains ne vont plus soutenir Israël dans les années à venir, bien au
contraire. Et certains des critiques les plus féroces d’Israël aux Etats-Unis
sont juifs, ainsi Bernie Sanders, Max Blumenthal et Norman Finkelstein.
La communauté juive américaine est divisée :
ici des rabbins orthodoxes antisionistes, il en
existe aussi, à une manifestation
en faveur de Linda Sarsour, le 27 mai dernier à New
York
Fort heureusement, il existe aussi de bonnes
nouvelles. Un courant du judaïsme est en plein essor aux Etats-Unis, le judaïsme
orthodoxe, et celui-ci voit toujours davantage de Juifs américains se tourner
vers lui. Le mouvement Chabad crée des Chabad Houses1 dans tout le
pays [Ndlr. Et dans le monde entier]. Une grande partie des Juifs orthodoxes
défend Israël, vote massivement Républicain, et, j’en atteste par expérience
personnelle, ce sont des gens très ouverts et sympathiques.
Une organisation juive américaine défend elle aussi
Israël sans ambiguïté : la Zionist Organization of America [Ndlr. Organisation Sioniste
Américaine], que dirige avec courage et excellence Morton Klein.
Le judaïsme américain connait une grande crise, mais
il n’est pas mort. Il connait une mutation.
Le soutien des Etats-Unis à Israël n’est pas mort non
plus.Mais il ne se situe plus au sein
de la gauche américaine et de courants du judaïsme américain si identifiés à la
gauche qu’ils fraient avec des islamo-gauchistes. Il se situe chez les Juifs
orthodoxes, et chez les conservateurs au sens politique du terme, donc au sein
du parti Républicain.
Il peut aussi s’appuyer sur des millions de chrétiens
évangéliques, qu’il importe de ne pas diffamer, car leur travail est précieux
et ils respectent les Juifs en tant que Juifs.
Aucune organisation aux Etats-Unis ne fait autant
pour Israël que Christians United for Israel (CUFI) [Ndlr. Les Chrétiens Unis
pour Israël], fondée par le Pasteur John Hagee au Texas.
Note :
1Chabad [khabad] house, ou, en hébreu, bet khabad,
[Wikipédia ->] la Maison Chabad est un ensemble de centres communautaires
pour disséminer le judaïsme traditionnel du mouvement Chabad. Son fondateur est
[feu] le rabbin Loubavitch Menachem Mendel Schneerson. Au sein des Maisons
Chabad, le Shaliach [envoyé] et la Shalucha [envoyée] (le rabbin et sa femme)
animent des activités et rendent service à la communauté juive locale et aux
touristes juifs.
Tous les ans, CUFI organise “une nuit pour honorer Israël”.
Si plutôt qu’inviter des gens tels que Linda Sarsour, ou Amman Shahin (un imam
californien qui a appelé à l’extermination des Juifs !), et plutôt que
critiquer et menacer Israël, davantage d’organisations juives américaines
organisaient des nuits pour honorer Israël, la crise du judaïsme américain
serait peut-être bien moindre.