Les lecteurs
de la Ména ont une culture historique suffisante pour identifier dans quel pays
et à l'époque se sont déroulées les scènes suivantes :
Une milice
armée, souvent vêtue de chemises noires, terrorise la population civile. Elle
veut remplacer la démocratie par un Etat fondé sur la race. Elle veut aussi
mettre fin à l'économie de marché, qu'elle croit contrôlée par une race
ennemie. Cette milice détruit par le feu les lieux de culte, rançonne les
entreprises, agresse au hasard les membres d'une race que son idéologie rend
responsable de tous les malheurs du monde. Elle poursuit de sa haine la police
du pays et veut la remplacer dans toutes ses fonctions. Ses victimes sont
humiliées, battues, forcées de s'agenouiller ou de lever le bras en l'honneur
de leurs nouveaux maîtres. Quand on lui résiste, elle met le feu aux commerces
et à des quartiers entiers et pille les magasins tenus par la race ennemie. Ceux
qui osent la critiquer perdent leur emploi ; leur famille et eux-mêmes
sont menacés jusqu'à leur domicile. A plusieurs reprises, la milice assassine
des opposants, puis se réjouit ouvertement du sang qu'elle a versé. Son
objectif explicite est de prendre le pouvoir à l'échelle d'une grande nation,
d'exproprier les membres de la race ennemie pour s'approprier leurs biens et imposer
une domination politique absolue de la race supérieure.
Je l'avoue :
la question était trop facile. Vous l'aurez tous reconnu : ces événements se
déroulent tous aux Etats-Unis, en 2020, dans les villes Démocrates envahies par
les mouvements jumeaux Antifa et Black Lives Matter. Antifa, héritier d'autres
mouvements d'inspiration marxiste (principalement européens) est apparu aux
Etats-Unis en 2007-2008, puis s'est rapidement développé, sous forme d'une
coalition assez souple d'implantations locales. Black Lives Matter, que
certains incultes prennent encore pour un simple slogan mobilisateur contre la
violence policière, est une organisation plus structurée, créée le 13 juillet
2013 par Alicia Garza, Patrisse Cullors et Opal Tometi, dotée d'une trentaine
de branches dans l'Amérique urbaine et Démocrate.
Ces deux
organisations alliées se disent elles-mêmes marxistes, mais leur discours ne
donne aucune place à la lutte des classes. Elles voient le monde comme un
système d'oppression systématique, organisée par la race blanche – la
"blanchité" – et plus particulièrement par les hommes blancs
hétérosexuels. Toutes les autres catégories sont, qu'elles en soient conscientes
ou non, victimes de cette oppression sourde. L'objectif de ces organisations
est une révolution raciale et morale qui mettra fin à la blanchité (à défaut de
pouvoir physiquement mettre fin à la race blanche) et permettra à une coalition
des opprimés d'obtenir réparation et de prendre le pouvoir.
Depuis au
moins le mois de mai dernier, ces organisations sont au cœur de la stratégie du
parti Démocrate pour gagner les élections du 3 novembre prochain. Se présentant
comme un mouvement de lutte contre l'injustice raciale, elles ont occupé de
force plusieurs villes américaines – toutes, sans exception, dirigée par des
maires Démocrates, qui les ont délibérément laissé faire – et y font régner la
terreur dans le cadre de mini-gouvernements révolutionnaires. Les habitants ne
jouissent plus ni de la liberté de circulation (des barrages sont installés
pour empêcher les véhicules de circuler et les piétons sont intimidés), ni de
la liberté d'expression (les opposants sont battus ou – comme ce fut le cas
d'un partisan de Trump dans la nuit de samedi à dimanche à Portland –
assassinés), ni de la liberté de culte (églises et synagogues sont parties en flammes),
ni de la liberté de gagner leur vie : on ne compte plus les magasins
brûlés et pillés.
Tout cela représente
une telle abjection totalitaire, une telle animalité ultra-violente, que tout
parti politique démocratique décent s'en détournerait et le condamnerait
bruyamment. Très logiquement, le parti Démocrate a donc décidé, dès le début
des émeutes, de soutenir bruyamment le mouvement Antifa / Black Lives
Matter. Les maires Démocrates ont retiré leurs forces de police des zones
occupées. Les gouverneurs ont refusé de faire appel aux forces fédérales pour
rétablir l'ordre. Lors de la Convention
Démocrate dans la semaine du 14 août, les slogans des deux milices ont été
répétés à de multiples reprises et leur barbarie n'a pas été mentionnée une
seule fois. Dans l'ensemble de la sphère Démocrate, il est désormais convenu
que la cause des révolutionnaires est juste et que ceux qui, au sein du parti,
oseraient les critiquer ne méritent ni d'être entendus, ni même de conserver
leur emploi. Des licenciements de Démocrates modérés qui avaient osé élever la
voix ont eu lieu dans la presse, dans les écoles, dans les administrations
locales et dans un grand nombre d'entreprises.
En échange,
les deux milices ont apporté leur soutien inconditionnel à la candidature de
Joe Biden. Le site de Black Lives Matter contient ainsi une page appelant les
Américains à voter et, si possible, à contribuer financièrement à la campagne
Démocrate.
Destruction de la ville de Kenosha,
Wisconsin, par les milices Démocrates le 25 août
Il n'est pas
certain, cependant, que le choix de soutenir les révolutionnaires soit électoralement
payant pour les Démocrates. Si Joe Biden, en moyenne, reste aujourd'hui en
avance sur Donald Trump dans les sondages, sa situation est fragilisée par les
facteurs suivants :
D'abord, la
tendance est mauvaise. Fin juin, alors que le pays n'était pas encore sorti de
la grave crise économique causée par la pandémie, Biden avait sur Trump un
écart moyen de plus de dix points. Deux mois plus tard, il est passé à moins de
sept. Chaque mois, la statistique des emplois montre une reprise spectaculaire
et les marchés financiers (directement liés avec le sentiment de richesse de
nombreux électeurs charnière, comme les retraités de Floride) battent de
nouveaux records ; et il reste encore deux mois avant les élections.
Ensuite,
l'élection américaine ne se joue pas au nombre total des votants : elle
est exclusivement décidée par les électeurs charnière d'un petit nombre d'Etats
charnière, qui ne sont pas fermement ancrés dans un camp ou dans l'autre et
peuvent aisément changer de bord. Or, dans ces Etats charnière, l'avance de
Biden est beaucoup plus faible : 2,6 points en moyenne dans le Michigan,
égalité en Caroline du Nord, 3 points dans le Minnesota, 3,7 points en Floride.
Sur l'ensemble des Etats charnière, l'avantage de Biden est de 2,7 points… mais
sur les mêmes Etats, Hillary Clinton en 2016 avait à la même date une avance
moyenne de 4,6 points, ce qui ne l'a pas empêché de les perdre presque tous.
Enfin, les
résultats des sondages, qui donnent l'avantage à Biden, sont en contradiction
directe avec la totalité des autres indicateurs. Les interventions télévisées
de Trump ont beaucoup plus d'audience que celles de son opposant. Son activité
sur les réseaux sociaux a presque 10 fois plus de suivi. Les ventes d'armes,
indicateur traditionnel du soutien aux Républicains, sont à leur plus haut
niveau jamais atteint. La campagne de terrain des Républicains – qui vont de
maison en maison pour obtenir le soutien des électeurs – est extrêmement active
alors que celle des Démocrates est quasi inexistante. Il est intéressant de
noter que cette direction unanime de tous les indicateurs secondaires n'était
absolument pas observable lors de la campagne de 2016.
Ce contraste
entre le résultat des sondages est celui de tous les indicateurs secondaires
permettent de se demander si les sondages ne pourraient pas être entachés d'une
erreur systémique. Nous sommes ici, par nécessité, dans l'ordre de l'hypothèse
indémontrable ; mais plusieurs éléments objectifs pourraient aller dans ce
sens.
D'abord,
l'atmosphère d'intimidation – menaces physiques, perte d'emplois – qui a
accompagné le déversement révolutionnaire dans les villes Démocrates peut créer
chez un certain nombre de soutiens de Trump une réticence à avouer leur vote,
même à des sondeurs. Le 22 juillet dernier, un sondage du Cato Institute
révélait que 62% des Américains n'osaient pas exprimer leur opinion politique. Parmi
ceux-ci, combien étaient des électeurs de Trump ? Et combien étendent
cette mesure de prudence aux sondeurs, ou aux gens qui se disent tels ?
Ensuite, les
sondeurs font des hypothèses de participation future et de mobilisation
respective des deux électorats qui sont nécessairement fragiles. Lors des
élections précédentes, par exemple, les diplômés (plutôt favorables à Biden)
votaient davantage que les non-diplômés, favorables à Trump. Mais les
débordements révolutionnaires des milices risquent de provoquer un violent
rejet de ceux qui sentent leur mode de vie menacé : principalement les
Blancs modestes, non diplômés, culturellement conservateurs mais capables en
d'autres circonstances de voter Démocrate pour des raisons économiques. Si
cette population, qui a déjà assuré la victoire de Trump en 2016, était en
train de se mobiliser fortement cette année par peur de la révolution, les méthodes
d'établissement des sondages seraient dans l'incapacité de prévoir cette
évolution. Il en serait de même si les diplômés, plutôt Démocrates de cœur en
moyenne, étaient découragés par l'extrémisme qui domine actuellement leur parti
et tentés de se réfugier dans l'abstention.
Les
perspectives de victoire des Démocrates le 3 novembre sont donc bien plus
faibles que les sondages ne pourraient le laisser penser. C'est d'ailleurs la
conséquence normale d'une certaine négligence qui a marqué l'ensemble de leur
campagne, peut-être parce qu'ils étaient trop convaincus, il y a quelques mois,
que l'élection était dans la poche et qu'il était inutile de consacrer trop de
temps aux électeurs.
Cette
négligence s'est d'abord manifestée dans le choix de l'appareil Démocrate pour
un candidat, Joe Biden, qu'ils sont désormais contraints de cacher le plus
possible pour ne pas montrer tous les jours au public la gravité et la rapidité
de la perte de ses capacités cognitives. Biden ne donne pas d'interviews, ne
sort presque jamais ; lorsqu'on lui permet de parler, il est manifeste (au
moins pour toute personne qui a eu un membre de sa famille souffrant
d'Alzheimer) qu'il peine à suivre les phrases les plus simples et qu'il n'est
plus vraiment là. Il est impossible qu'un tel choix de candidat ne soit pas
sanctionné par les électeurs. C'était une chose, pour les Démocrates, de se
dire que Trump était si populaire que même un âne crevé pourrait le battre,
mais c'en est une toute autre que de présenter effectivement contre lui un
candidat qui répond à cette description.
De manière
plus étonnante, la candidate choisie par les gérants de Biden pour être
candidate à la fonction de vice-présidente n'est presque pas plus présente dans
la campagne que son chef. La sénatrice Kamala Harris n'est connue pour être ni
une grande lumière, ni une grande vertu ; du moins a-t-elle beaucoup d'énergie
et des capacités cognitives intactes. On s'attendait donc à la voir faire
campagne activement. Le fait qu'elle aussi s'y refuse ne peut être perçu que
comme une insulte envers les électeurs, qui n'aiment généralement pas qu'on
considère leur vote comme acquis.
La dernière
erreur des Démocrates est qu'ils ne semblent pas avoir de plan de campagne. Trump
a commencé à égrener une série de nouvelles politiquement favorables, qui sont
manifestement planifiées depuis longtemps, et sont désormais diffusées à
intervalles réguliers d'ici l'élection. L'accord de paix israélo-émirati en
fait partie. Il en est de même pour les bonnes nouvelles économiques et,
presque certainement, d'une annonce judiciaire le mois prochain relative à
l'espionnage de la campagne Trump en 2016 par le parti Démocrate, la Maison
blanche d'Obama et la campagne Clinton. Les Démocrates ont certainement
quelques scandales à lâcher, mais ne semblent avoir aucune maîtrise du
calendrier. L'arrestation, la semaine dernière, d'un ancien conseiller de
Trump, Steve Bannon, dans une affaire de détournement de fonds, aurait pu leur
être utile si elle s'était produite fin octobre. Faite en août, cette
arrestation aura été totalement oubliée le jour de l'élection et ne produira
aucun effet.
Venant
s'ajouter à toutes ces erreurs, le soutien affiché du parti Démocrate à des
milices racistes, nihilistes et ultra-violentes pourrait bien avoir sonné le
glas de tout espoir de victoire. Face au déchaînement de haine, de pillages,
d'humiliations gratuites, d'incendies et de meurtres, les électeurs charnière –
ces quelques centaines de milliers d'électeurs répartis dans six ou sept Etats,
qui ne sont ni Démocrates ni Républicains mais sur qui tout va reposer – ont de
très fortes chances de faire partie des millions d'Américains qui n'en peuvent
plus. Sans particulièrement aimer Trump, ils veulent que ces violences et ces
insultes à leurs valeurs s'arrêtent. Ils ne pourront donc pas soutenir le parti
qui s'est rangé du côté des révolutionnaires et se tourneront vers celui qui
les dénonce et qui promet une répression féroce s'il est réélu.
Les
Démocrates, qui auraient pu aisément remporter l'élection s'ils avaient cherché
à convaincre ces électeurs charnière, ont préféré se soumettre à leur propre
aile fascisante. Ils ont, ce faisant, très probablement jeté aux ronces tout
espoir de victoire et garanti quatre ans de plus de présidence Trump.
"Monsieur Sami El Soudi, par P Vallois", Je
consulte ce site depuis longtemps et je vois qu'il n'est pas trop
vivace. Cela n'a guère d'importance. Les articles suffisent.
Sauf,
à mes yeux, sur un point. C'est qu'il semble qu'aucun lecteur n'ait
pris soin de vous marquer toute la considération, la haute estime, que
dis-je, le bonheur que l'on éprouve à lire vos textes.
Vous êtes, je crois, la personne au monde qui fait le mieux comprendre ce qui se passe au Proche et Moyen-Orient.
Vos papiers depuis 2003 sont incomparables. Ils méritent d'être réunis et publiés. A tout le moins.
Merci infiniment."
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